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La vie en Poul Henningsen

Un jeune femme m’a dit un jour, il y a fort longtemps :

on voit presque rien chez toi ! ça te sert à quoi d’avoir une lampe si elle éclaire pas ?

La pertinente naïveté de cette assertion me prît au dépourvu. J’espérais secrètement créer les conditions favorables à un rapprochement amoureux. « C’est tout à fait vrai » acquiesçais-je béatement, convaincu qu’à défaut d’avoir favorisé mes coquins et sournois desseins, ma lampe était désormais au moins aussi utile qu’un convecteur portatif dans un sauna Groenlandais.

Ce n’est que bien plus tard que je découvris les réalisations de Poul Henningsen. Et en particulier l’une d’elles : la PH5. Les lampes pouvaient donc bien avoir d’autres fonctions que celles de voir et d’être vu dans une chambre d’étudiant. J’étais rassuré.
A l’exact opposé des tristes luminaires trônant parfois dans les salles à manger berrichonnes, qui diffusent une lumière dont le large et brutal rayonnement s’apparente davantage à l’euphorie que génère l’ambiance blafarde de la gare de Pougues-les-eaux par temps de brouillard qu’à l’éclat sensuel et délicat d’une bougie parfumée « Matin d’Orage » d’Annick Goutal posée sur une table en bois d’Arne Jacobsen, il y a la création de Poul Henningsen.

J’ose même affirmer que le designer scandinave se contrefichait au moins autant de l’efficacité lumineuse de sa PH5 qu’une vache, apprenant subrepticement la disparition tragique et définitive des trains, risque une psychose maniaco-dépressive. Priorité au confort intérieur. Le bien-être visuel du consommateur était à Poul ce que le chant sonore du coq fut en son temps au menier qui dort : éveil esthétique dans un cas, réveil-matin dans l’autre.

La réflexion créative de Poul Henningsen semble avant tout axée vers l’ataraxie. Elle témoigne d’une volonté emprunte d’empathie et révèle une sensibilité qui confine à l’aménité. Osons la raccourci : le bougre a souhaité nous rendre heureux !
Les formes géométriques qui composent ce luminaire sont toutes faites de rondeurs savamment disposées dans l’espace et destinées à maîtriser la diffusion d’ondes électromagnétiques qui n’ont le plus souvent pour vocation sommaire que de nous éclairer.
Et comme s’il ne lui suffisait pas de contenter nos pupilles, après avoir travaillé sur les phénomènes de diffraction et de réfraction lumineuse, Poul Henningsen s’est attaché à concevoir un objet polymorphe. Eclosion florale, soucoupe volante, champignon… Selon qu’elle est observée de loin, de face, de dessous, ou qu’une consommation excessive de psychotropes a modifié son apparence, chacun peut voir dans la PH5 le symbole élégant, épuré, aérien, d’une représentation protéiforme.

Avis aux séducteurs néophytes : un aménagement intérieur « en Poul » pourrait bien électrifier cette soirée que vous rêvez réussie et éclairer votre avenir de Casanova d’un jour nouveau.

Chronique publiée sur le site Vivreenislande.fr