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Le nuage volcanique
n’a pas épargné le secteur automobile

Il a cloué au sol des dizaines de milliers d’avions à travers le monde, chamboulé l’existence vagabonde de millions de passagers et coûté 260 millions d’euros à l’économie française – selon la dernière estimation communiquée par le secrétaire d’Etat au Tourisme, Hervé Novelli. Mais le volcan islandais Eyjafjöll a aussi contraint Nissan au Japon, BMW en Allemagne ou plus récemment PSA en France à interrompre tout ou une partie de leurs lignes de production. En cause, des problèmes d’approvisionnement de certaines pièces détachées, engendrés par la fermeture des aéroports européens.
Faute d’avoir reçu d’Allemagne les pièces nécessaires, BMW a dû interrompre la production des modèles X5 et X6 aux Etats-Unis. Même punition pour environ 7 000 véhicules produits par les ouvriers des usines allemandes, contraints à l’oisiveté trois jours durant. Vint ensuite l’allié nippon de Renault, Nissan, qui suspendait plusieurs lignes d’assemblage au Japon pour trois de ses modèles, bloquant la production de près de 2 000 véhicules par jour, en raison des quelques milliers de capteurs de pression bloqués en Irlande. La semaine dernière, c’est le site sochalien du groupe PSA Citroën qui fut touché, entraînant un repos forcé pour un millier d’employés.
Selon Laurent Cicolella du service de presse de PSA, “les retards de production de certaines versions ou les rattrapages de véhicules produits sans la pièce manquante seront de toute façon résorbés dans le courant du mois de mai”.

Un élan qui pourrait caler

Tout avait pourtant bien commencé pour le marché de l’automobile. Sur les quatre premiers mois de l’année, les constructeurs et équipementiers ont affiché des résultats en hausse. Des performances qui ont contribué à renforcer la confiance des investisseurs sur le secteur.
Ainsi, fin 2009, le fonds du célèbre milliardaire américain John Paulson franchissait le seuil des 2% au sein du capital de Renault. Le “sultan des subprime“, tel qu’il est surnommé par les médias, avait en son temps prédit l’éclatement de la bulle immobilière et l’effondrement des crédits hypothécaires. Une parfaite maîtrise de l’art divinatoire qui avait contribué à faire sa fortune et à le propulser en tête du classement 2008 des meilleurs gérants de hedge fund, par le magazine Trader Monthly. Depuis, le moindre de ses agissements, la plus anodine de ses déclarations sont l’objet d’une attention qui confine à l’extatisme. Au début de l’année, lors du salon automobile de Détroit, c’est Wilbur Ross, patron de l’équipementier International Automotive Components, qui prédisait quant à lui une renaissance du marché dès 2011. Le milliardaire américain s’est même révélé intéressé par d’éventuelles acquisitions d’équipementiers européens. Et puis il y a quelques jours, c’est le site businessweek.com qui révélait que le fonds d’investissements KKR aurait manifesté son intérêt pour l’éventuel rachat de l’équipementier United Components, en passe d’être cédé par l’entreprise de private equity Carlyle.

Le carambolage est toujours possible

Reste à savoir si ces démarrages en trombe ne risquent pas de déraper dans les mois qui viennent, avec l’arrêt programmé des mesures d’accompagnement dont le secteur a largement profité. Rien ne garantit que les prouesses de 2009, sans équivalent depuis le début des années 90, et les premiers succès de 2010, puissent perdurer. En février dernier, l’agence de notation Fitch Rating pronostiquait une diminution de 10% des immatriculations européennes sur l’année en cours. Et nous pensons, chez MoneyWeek, que l’automobile reste un secteur à éviter. Certains ont vu dans la multiplication des difficultés planétaires engendrées par le volcan islandais comme une preuve de ce que le météorologue Edward Lorenz appelait “l’effet papillon” dans les années 70.

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S’agit-il de l’ultime tiercé gagnant des valeurs boursières en vogue ? Que nenni. Ces chiffres sont les tristes indicateurs d’une économie en apnée. Celle de l’Islande. Sur les douze derniers mois, l’inflation a bondi de 7,3% ; le chômage flirte avec les 15% après être longtemps resté autour de 1 à 2% ; et le montant moyen des salaires a diminué de plus de 3%. Le pays où il a fait bon vivre (selon l’indice de développement humain mis au point par l’ONU) se trouve depuis près de deux ans dans une mauvaise passe, que la désormais fameuse dette Icesave, due aux voisins Anglais et Néerlandais, complique encore un peu plus.

Hauts les cœurs !

En dépit d’une couronne qui a perdu environ la moitié de sa valeur en l’espace de deux ans, Madame Arnadottir, équivalent Islandais de notre Madame Michu, conserve pourtant la posture stoïque et néanmoins fragile d’une relative nonchalance. Car à l’inverse des secondes, la plupart des « Madame Arnadottir » sont fières. Le prix de l’essence, du riz, de la farine, des fruits et des légumes ont beau atteindre les sommets enneigés des glaciers alentour, méthode Coué et système D sont à ce peuple courageux et opiniâtre, ce que les manifestations de dépit et de découragements sont à nous autres Gaulois râleurs et revendicateurs.
En France, un certain nombre de secteurs de l’économie subissent d’importantes difficultés.
En Islande, pour ne prendre que ceux de l’automobile et des biens immobiliers, il n’est plus question de baisse ou de diminution, mais d’anéantissement pur et simple.
Compte tenu de leur prix, ni les premières, ni les seconds ne se vendent. La grande majorité des 4×4 rutilants restent tristement parqués aux abords des concessions. Seuls les ateliers de réparation et le commerce d’occasion parviennent à survivre. Et à défaut d’être vendus, maisons et appartements s’échangent. Pour certains propriétaires, le troc devient la panacée.

La longue Histoire de l’Islande est jonchée de calamités climatiques, d’épidémies et de disettes en tout genre, auxquels le peuple viking a toujours dignement fait face. Pour se convaincre de cette étonnante faculté d’adaptation, il suffit d’observer la façon dont les habitants de l’île aux volcans ont opportunément profité de la récente éruption de l’un d’eux, en organisant rapidement des transports en car, survols en hélicoptère et autres randonnées pédestres. Nul doute qu’ils parviendront à nouveau à se sortir de ce mauvais pas.

« Iceland’s Post-Crash Sale – 30% off ! (for tourists only) »

Il y a quelques semaines, The Reykjavik Grapevine s’est amusé à lister une cinquantaine de produits et de services courants, allant du poulet au ticket de bus. Pour chacun d’eux, l’hebdomadaire a pris soin d’indiquer l’évolution des prix entre 2007 et 2009.
Curieusement, c’est le réfrigérateur qui enregistrât la plus forte augmentation : 157%.
Un symbole, pour l’économie cryogénisée de ce petit état proche du cercle polaire Arctique. Mais un symbole qui n’a pas refroidi les ardeurs conquérantes des Islandais.

Les jeux sont faits !

Au grand dam de l’opposition parlementaire, la loi a été votée la semaine dernière par la majorité présidentielle, avec 76 voix d’écart : les jeux en ligne sont libres d’exister. N’en déplaise à ceux qui voient dans ce texte, à l’instar de Benoît Hamon, le symbole d’un cadeau fait par Nicolas Sarkozy à ses « amis du Fouquet’s », les ténors Français de l’industrie et de la finance s’étaient préparés depuis plusieurs mois à investir le monde des paris sportifs et hippiques et des jeux de poker.
Le « projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne » a été adopté en seconde lecture par le Parlement. Le texte, rapidement voté, prévoit de confier à l’Arjel (Autorité de régulation des jeux en ligne), le soin d’attribuer une cinquantaine de licences valables pendant cinq ans aux opérateurs candidats qui auront été sélectionnés et de punir de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amendes ceux qui opéreraient illégalement.
Un certain nombre d’observateurs se sont étonnés de l’empressement avec lequel le gouvernement était parvenu à faire voter le texte aussi promptement, s’agissant de la mise en place d’une loi qui n’avait intrinsèquement aucun véritable caractère d’urgence. En cause, selon le député Gaetan Gorce (PS) : « les intérêts privés qui ont pollué le débat en exerçant une pression ». Une critique rejetée par la majorité et par le gouvernement au motif que la loi va permettre de lutter contre les jeux illégaux et protéger les joueurs des risques d’addiction. Mais c’est François Barouin, le fraîchement nommé Ministre du Budget, qui coupe court à la polémique et justifie cette hâte avec un argument bluffant : « Le 11 juin 2010 se jouera le premier match de la Coupe du monde de football, un grand rendez-vous qui va créer une vague exceptionnelle de prises de paris ». Des « prise de paris » sur lesquelles des taxes allant de 2% (sur le poker en ligne) à 7,5% (sur les paris sportifs) seront prélevées. Quoi de plus normal pour un ministre en charge du budget que de donner un modeste coup de pouce à une activité commerciale aussi lucrative pour remplir les caisses désespérément vides de l’état ?
Allons enfants de la partie, le jour de jouer est arrivé.

« Tapis »

En France, selon le Ministère du Budget, le marché des paris et des jeux en ligne représenterait un chiffre d’affaires d’environ deux milliards d’euros, dont le tiers profiterait au PMU et à la Française des jeux (FDJ), acteurs historiques jusqu’alors préservés de toute concurrence. La centaine de millions d’euros de taxes qu’espère récolter l’Etat devrait laisser une confortable manne financière aux prétendants à la « labellisation ». Sur les 20 à 25 000 sites illégaux actuellement ouverts, une cinquantaine seulement pourront toutefois prétendre profiter de cette libéralisation.

Le jeu en valait la chandelle

Fort heureusement, cela fait de nombreux mois déjà que les postulants les plus sérieux s’organisent.
Le PMU et la FDJ d’abord ont su exploiter leur position monopolistique pour nouer de nombreux accords avec les médias en particulier : le premier a opté pour RMC et RTL et la seconde s’est engagée avec TF1, Orange, Yahoo !, 20 Minutes et RTL. Un certain nombre de nos plus célèbres chefs d’entreprise ont également compris qu’en période de crise économique surtout, les jeux en ligne avaient la côte auprès des Français. Grâce aux investissements effectués et aux partenariats stratégiques noués, François Pinault, Arnaud Lagardère, Martin Bouygues, Vincent Bolloré, mais aussi Stéphane Courbit (Financière Lov), Dominique Desseigne (groupe Lucien Barrière), Marc Simoncini (Meetic) ou Xavier Niel (Free / groupe Iliad) ont réussi à tirer leur épingle du jeu. Directement ou non, ils sont aujourd’hui présents chez les leaders du secteur.
Les opérateurs historiques mis à part, qui devraient se tailler la plus grosse part du gâteau, les acteurs privés étrangers en question se comptent sur les doigts d’une main de joueur ; Bwin, BetClic, Unibet ou Eurosport Bet se révèlent incontestablement les mieux placés.

À 10 contre 1

S’il constitue une étape décisive, ce feu vert parlementaire ne garantit pas encore pour autant que les jeux soient faits pour les différents intervenants. Le Parti Socialiste ayant décidé de saisir le Conseil Constitutionnel, c’est à lui que reviendra la décision finale.
Les paris restent donc encore ouverts.

Articles d'actualité rédigés pour le site web et le magazine Moneyweek La vie financière.