Islande : réchauffement démocratique ?
L’île exemplaire
La fumerolle qui cache le geyser ?
Islande. Islande volcanique ! Islande apocalyptique ! Islande erratique ! Mais Islande héroïque, puisque unanimement reconnue pour ses velléités libertaires. Doit-on douter de cette présentation élogieuse digne dʼun poème scaldique ? Se pourrait-il que certains nʼaient vu dans ce tableau idyllique que la surface immergée dʼun iceberg
Financement électoral : des règles claires, et pourtant…
Plafonnement des dons, déclaration dʼorigine des fonds perçus, tenue dʼune comptabilité rigoureuse… En Islande, les règles de financement des partis et des campagnes des candidats sont précisément définies par la législation depuis 2006 (7). Il aura toutefois fallu la persévérante insistance du Groupe dʼEtats contre la corruption (8) pour que le comité en charge de ces questions à Reykjavik daigne sʼintéresser au sujet. Une
25 millions dʼIKr (13) dépensés par les 6 candidats.
Médias : to be influential or not to be, that is the question !
En lʼespace dʼune douzaine dʼannées, lʼIslande est passée, presse mise à part, dʼun paysage médiatique globalement monopolisé par lʼEtat, lui-même sous la houlette du Parti de lʼIndépendance et de ses alliés, à un système verrouillé par de grosses entreprises et des banques à la tête desquelles évoluent quelques grandes et influentes familles. Lʼépais rapport remis par la SIC en 2010 a clairement établi lʼexistence de liens étroits et fort profitables entre sphères médiatique, politique et financière. Outre quelques menus larcins (escroqueries, détournements de fonds, délits dʼinitiés…), ces petits arrangements entre amis pouvaient aller jusquʼà des menaces et des intimidations de journalistes trop curieux. Dans les années et les mois qui ont précédé la crise de 2008, la situation financière de lʼîle telle que dépeinte par certains médias autochtones tenait plus dʼun budget prévisionnel Grec rédigé par Goldman Sachs que dʼun compte de résultats certifié par un Commissaire aux comptes Suisse. Dans la mesure où il nʼa jamais existé de véritable réglementation fixant les conditions dʼun rapport sain entre médias privés et candidats à une élection, la probabilité dʼémousser cette relation incestueuse reste aujourdʼhui encore assez proche des températures de lʼOcéan Arctique. Comme lʼexplique Birgir Gudmundsson (15), il existe «de nombreux domaines (…), tels que lʼindépendance éditoriale, les règles en matière de concentration capitalistique, les subventions des médias… Qui ne sont couverts par aucune législation particulière».
Sur son blog, Andrea a aussi contesté la façon dont les médias ont biaisé les chiffres des sondages dʼopinion. En ne tenant par exemple aucunement compte des quelques 30% dʼélecteurs indécis ou qui déclaraient ne pas souhaiter voter, le quotidien Frettabladid a augmenté sensiblement et artificiellement les scores des deux leaders et justifié par la même occasion la «préférence médiatique» qui leur a été accordée. Un procédé qui tendait à donner aux lecteurs lʼidée que la partie allait (devait ?) se jouer uniquement entre Olafur et Thora. Les résultats ont bel et bien montré que cette dernière avait dépassé de près de 25 points Ari Trausti Gudmundsson, arrivé troisième. Et quʼà eux seuls, les quatre derniers candidats nʼavaient obtenu quʼun peu plus de 14% des suffrages. Michel Sallé justifie le procédé par le fait «quʼOlafur et Thora étaient les deux candidats sortant du lot, donc les seuls susceptibles d’intéresser le lectorat (…) Cette campagne présidentielle était la première à être médiatisée ; il y a certainement eu des préférences partisanes, mais il y a aussi eu des erreurs reconnues ensuite».
Sondage : lʼart de faire dire aux chiffres ce que lʼon veut
Jʼai transformé la fonction présidentielle mais les gens doivent comprendre que nous sommes entrés dans une nouvelle époque et que lʼexercice de la magistrature suprême doit être différente de ce quʼelle était dans les années 1950
«Révolution des casseroles», Icesave, Assemblée Constituante… Si elle a pu naguère être abusée par ses élites, une partie non négligeable de la petite nation a récemment prouvé quʼelle pouvait changer le cours de son destin en sʼappropriant le concept de lʼinfluence et en modifiant ses modalités dʼapplication. Cʼest à se demander qui désormais influence qui ? À se demander si lʼinfluence nʼest pas en passe de changer de camps ? Et si les plus grands démocrates en définitive, ne sont pas les Islandais eux-mêmes ?
Enquête publiée dans le Petit Guide de la Transparence électorale.
Cet état des lieux de la démocratie dans le monde vient compléter les 6 épisodes du web-documentaire « L’AUTRE ELECTION », qui décrit les curieux
us et coutumes électoraux de l’une des nations les plus corrompues de la planète : la Papouasie-Nouvelle Guinée.