24H de la vie d'un libraire à Reykjavik

La série documentaire 24H de la vie de… a été créée pour le webzine Vivreenislande.fr. Elle met en scène des islandais dans leur quotidien à la fois personnel et professionnel.

Chronique associée à cet épisode

Ari est un épicurien. Il alterne habilement entre son inclination pour les choses de l’esprit et un insatiable engouement pour les plaisirs de la vie. A fortiori s’ils s’ingurgitent.

C’est qu’il peut faire frisquet en Islande. Les petits creux impromptus se font souvent sentir et les occasions de les combler raisonnablement ne manquent pas. Alors l’ancien journaliste de Morgunbladid ne se prive guère. Il vaque d’une occupation littéraire à une sustentation organoleptique avec la certitude que l’une et l’autre sont indissociables, qu’elles sont comme les deux plaisantes mamelles nourricières d’une même quiétude.

libraire reykjavik

Libraire à Reykjavik

Voilà plus de 15 ans qu’Ari Gísli Bragason arpente les allées encombrées de cette librairie indépendante qui fait l’angle de Hverfisgata et de Klapparstigur dans le 101. Des milliers d’ouvrages s’agglutinent dans les rayons surchargés dans l’attente d’improbables lecteurs. On est bien loin des linéaires parfaitement balisés de la chaîne Eydmundsson. A la fin des années 2000 il existait encore une petite dizaine de boutiques comparables dans le centre de Reykjavik. Toutes ont disparu. Bokin est l’ultime bastion.

L’homme sait que l’Islande compte encore le plus grand nombre d’éditeurs et d’écrivains par tête de viking au monde. Et il a su exploiter le potentiel d’Internet pour commercialiser ses titres. L’outil numérique sert ses desseins de papier. Comment pouvait-il en être autrement ? Avec ses quelques 10.000 exemplaires disponibles, ce sont moins les livres qui occupent l’essentiel de l’espace d’Ari, qu’Ari qui s’efforce de trouver sa place dans celui des nombreux petits rectangles dont il a la charge.

Dans le monde sensuel d’Ari, les disques sont en vinyle, les volumes en papyrus. Dans sa caverne du centre ville, les galettes noires grincent, crissent et livrent leurs émotions sonores délicates. Comme si leurs interprètes s’étaient dissimulés derrière une étagère. Tandis que les romans, les encyclopédies, les albums et les atlas reposent paisiblement sur leurs congénères, sur une table abandonnée ou sur une chaise épuisée. Leur résurrection ne dépend que d’une main chaude ou gantée qui les prendra, les ouvrira, les cornera peut-être avant de les emporter.

Dans le monde d’Ari, bonne chère et affinité littéraire se marient fort bien.
Epicurien vous dis-je !

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